SIONGRIE 2008

BIG trip - Daniel Gobert - jour 3

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Vendredi 15 août 2008

Wet, wet, wet

"Wet, wet, wet", un groupe au succès unique mais mondial, tellement d'actualité en ce jour qui devait être le jour J du carrefour. La météo suisse ous avait prévenus : ça allait en effet être "mouillé, mouillé, mouillé".

Les nombreuses interrogations à ce sujet la veille autour de la table nous avait invités à nous réunir au petit matin à l'entrée du camping pour décider de la suite de la journée. Dominique Jacquemin et sa famille ainsi que José avaient décidé de quitter ces lieux où ils se trouvaient depuis un bon bout de temps car ce jour n'annonçait rien de bon. Toutefois, Jules Dejace m'avait alerté sur mon portable à 8h qu'il quittait Sierre sous un ciel bleu (et de fait, le ciel était bien bleu au petit matin) pour grimper le Lac de Moiry. Apparemment, Martin Kool et Hans Koedijker ainsi qu'Axel avaient aussi décidé de s'y attaquer et étaient déjà en route. Avec Wim, Etienne, Mauro et Gabriele, nous décidâmes de tenter le coup en dépit de tout bon sens. Mais un cyclogrimpeur n'est pas toujours raisonnable : un jour de notre propre légende s'annonçait à nouveau.

Jules, 78 ans, avait bien choisi son heure de départ puisqu'il arrivera pile avec les derniers partis. Axel se fera aussi dépasser par les deux hollandais juste à l'entrée du dernier tunnel. Le gros de la troupe eut l'avantage de se regrouper à Vissoie, début de la pluie, accueilli par Georges Rossini, qui de Thonon, nous avait fait l'honneur d'une petite visite de courtoisie bien agréable. Wim Van Els qui avait fait Moiry la veille et Jean-Luc Matte, arrivé un peu plus tard, décidèrent de grimper à Chandolin sur l'autre versant à partir de Vissoie, mais au-dessus de 2000m aussi. Quant à Philip Hul, il était du côté de Martigny.

Pour ma part, je démarrai en ayant laissé la voiture juste après le rond-point de la sortie d'autoroute, à l'arrêt de bus (prévision de la suite ?) en compagnie de nos deux inséparables compères italiens. Etienne partit juste après nous, de Sierre, Laurence l'accompagnant en voiture. Nous voici lancés dans une bonne pente régulière à 7-8% au début pour une ascension de plus de 30km au total, sur un sol sec. "Espérons que cela reste sec" jura Gabriele. "J'ai horreur de la pluie", renchérit-il. "Ca ne sert à rien la pluie, ça gâche le paysage, ça empêche les muscles de bien fonctionner,...". le laïus anti-pluie du sympathique Gabriele eut le bonheur de me faire passer les 10 premiers kilomètres de manière agréable, le belge que je suis devant vivre 300 jours par an avec la pluie s'amusant beaucoup de la faconde antidéluvienne du transalpin. Nous voici à Vissoie, et avec Vissoie, les premières gouttes.

Daniel et Mauro sur une route encore sèche entre Sierre et Vissoie.

Soyons clairs dès le début, la pluie va non seulement nous accompagner tout le reste du temps, mais se renforcer, se glacer et même devenir de la neige par 0° de température au sommet. Bref, la légende avait bien sa place ce jour-là.

Une plaque automobile française se terminant par 74 et klaxonnant en nous dépassant au pied n'avait pas eu la joie de nous faire reconnaître Georges Rossini. ce n'est qu'à Vissoie que je compris qu'il était quand même venu mais sans vélo pour nous encourager. merci Georges, c'est toujours un plaisir de te rencontrer. Descente pluvieuse en lacets sur Grimentz, puis on remonte en pente régulière jusqu'à Mayoux sous une pluie battante. Etienne nous rejoint. Après Mayoux, la pente se redresse fortement et on arrache du 10% sur 8 km dans un décor automnal, voire hivernal. Heureusement Georges nous encourage et on aperçoit Jules 500m devant nous. les deux italiens, ayant retrouvé la forme à quelques kilomètres du sommet s'envolent. Etienne a la gentillesse de m'attendre et de me laisser combler les cent mètres qu'il me prend à chaque kilomètre car j'ai toujours dans la tête la parole de Guillaume Prébois : "pense à chaque coup de pédale que demain tu roules". Jules sur un petit moulin a vraiment un moral et une vaillance à son âge qui nous étonnent, nous épatent et nous font envie. Qui à son âge eut défié les lois de la nature de cette façon? Chapeau bas ! Deux-trois mots échangés et nous arpentons à cent mètres d'intervalle le dernier kilomètre infernal en pente et en froidure de lac de Moiry.

Le tunnel terminal a quelque chose de surréaliste. Un "trou de mines" nous dit Jules. Un tunnel en pente, une galerie toute en déclivité : étonnant !

Le trou de mines. Pente et météo sans nécessité de commentaire superflu.

A la sortie, photo traditionnelle avant de nous engouffrer dans la cafétaria du sommet car la neige commence à tomber, ce qui nous vaudra les sarcasmes de ceux qui, arrivés légèrment auparavant, allèrent, eux, jusqu'au glacier à 3 km (plus ou moins plats) de là et où, parait-il se trouve l'auto-collant. Le patron du restaurant s'inquiète de notre état. Nous laissons derrire nous à chaque pas, une mare d'eau. Le fond du restaurant devient une piscine et notre volonté de nous mettre au sec offre ce tableau paradoxal de touristes mangeant aux côtés de cyclistes dans un vestiaire. J'ai admiré la capacité de tous mes collègues d'avaler du consistant. J'ai commandé une croûte au fromage enfant et je n'ai su avaler que la moitié. Seul, le cappuccino me fit du bien.

Trois poules mouillées qui n'ont pas mis le feu au lac.

Nous décidâmes de redescendre avec le bus car faire un pas dehors nous transformait en cocotte mouillée tremblante et emplie de soubresauts alertants. Le bus du coin a bien sûr un formidable porte-vélos à l'arrière, très pratique. Pour des gens comme nous ? Non, pas d'habitude ! Pour monter les VTT qui se laissent tomber dans la descente. Le chauffeur fut très coopérant et très touché par notre courage. Toutefois, il ne pouvait que nous descendre jusqu'à Grimentz. Là, attendre une heure pour un autre bus qui remonterait à Vissoie et enfin, un troisième bus pour descendre à Sierre. Coût total de l'opération : 10 € par trajet, soit 30 € au total.

Chargement des vélos sur le bus.

Contrairement à mes camarades, je décidai de ne prendre que le premier bus et de descendre le reste en vélo. Mes récentes expériences à Vallter 2000 sous le déluge et dans le froid de Pailhères, m'avaient appris que dès 1500m, la température devient soutenable pour un belge comme moi, même s'il neige à 2000m. De plus, je bénéficiai de la remontée entre Grimentz et Vissoie qui me réchauffa pour de bon et les dix derniers kilomètres de descente furent un plaisir pendant que les autres (dont un Hans frigorifié et entèrement momifié) attendaient dans la chaleur des cafés des stations du dessus.

Hans Koedijker, une momie frigorifiée. Là où notre vécu nous reste à vie.

Je passai deux heures dans ma chambre sous la couette à me réchauffer en regardant les J.O. avant que Jules ne viennent me retrouver pour une discussion sur tout et sur rien au sortir d'une des ascensions mémorables de notre petite carrière de BIgeur. Le souper fut à nouveau l'occasion de jolies retrouvailles en compagnie de Jean-Luc Matte cette fois-ci. Echanges de sensations, partages d'expériences, tout ce qui nous unit dans la communion du vécu partagé et qui fait en sorte que le copinage ne peut à la longue que se transformer en amitié réelle, profonde, animée par un respect mutuel du talent et du courage de l'autre.